Parcours en savoie maurienne (latitude gallimard)

Arrivé aux confins de la haute Maurienne, le voyageur en quête des sources de l'Arc découvre Bonneval, blotti à 1 800 m d'altitude dans un paysage de bout du monde. Des maisons de pierre et de bois arborent des galeries où sèchent les "Grebons". Plus en amont, les chalets d'alpage s'éparpillent dans le vallon de la Lenta, témoins d'une civilisation agropastorale qui a su tirer partie au mieux des ressources naturelles de la montagne. Depuis les années 1970 et grâce à la création du parc national de la Vanoise, ces chalets bénéficient d'une politique de sauvegarde. En 1956, Gilbert André, maire de Bonneval-sur-Arc, un des pères fondateurs du parc national de la Vanoise avec le ministre Pierre Dumas, créa le Comité des parcs. Il privilégia la polyvalence professionnelle afin de maintenir les gens au pays. Les Grebons sont des agglomérats de paille et de bouse de vaches qui, après avoir séché dehors tout l'été, servent de combustible, l'hiver.

En amont de Bessans, la riante vallée d'Avérole s'étire entre la pointe de Charbonnel (3 752 m) et la pointe de l'Albaron (3 637 m). Au long de la piste s'égrènent les toits de lauze du hameau des Vincendières et des chalets d'alpage de la Mottuaz, des Pécherses, de la Buffaz. Jadis, un système artisanal irriguait ces prairies afin de fournir plus de fourrage pendant l'été. Plus en aval, c'est une vallée plus austère qu'entaille le torrent du Ribon. Dans ses hameaux d'alpage, dont Pierre-Grosse et l'Arcelle, se maintient une activité pastorale.

Le hameau d'Avérole, un des plus élevés des Alpes, se tient sur un plateau à 2 000 m. Veillé par les glaciers (Albaron, Bessanèse) d'où déferlent de bruyantes cascades, le vallon de la Lombarde mène en Italie par le col de l'Autaret (3 071 m). Jusqu'aux années 1950, se pratiquait, par là, une plaisante contrebande : sel et allumettes contre riz et alcools piémontais !

Tous les 5 août, avant l'aube, les Bessanais remontent la vallée du Ribon, traversent le glacier de Rochemelon et rejoignent au sommet, le sanctuaire de la Vierge Marie sis à 3 538 m. De l'autre versant arrivent les Italiens venus à pied de Suse et du Val de Lanzo. Ils célèbrent là l'exploit de Boniface Rotario d'Asti qui, en accomplissant la première ascension de ce sommet en 1358 et en le choisissant comme lieu marial, réalisa un voeu fait en Terre sainte.

Adieu chaises à porteurs et "ramasse" ! Les "échelles du Mont-Cenis", grande fierté napoléonienne, mènent au col (2 084 m) depuis 1805. Sur ce plateau verdoyant dominé par la pointe de Ronce (3 612 m) et la cime de Bard (3 168 m) et abritant un immense lac de barrage, s'étendent les alpages du Mont-Cenis où paissent 1 200 vaches laitières en estive. Quelques vieux chalets subsistent dans le vallon de Savalin, tandis que, éparpillées sur le plateau, des fermes vendent encore leur production fromagère.

Jadis, pour atteindre le col, il fallait démonter carrosses et voitures, puis charger les pièces d'attelage à dos de mulet. Les passagers pouvaient se faire porter. Le trajet demandait 5 heures en moyenne et de 2 à 8 porteurs selon le poids des voyageurs.

En hiver, la descente du col du Mont-Cenis à Lanslebourg s'effectuait sur des sortes de luges, les "ramasses", conduites par des guides du pays appelés "Marrons" : une dizaine de minutes de glisse avec sensations garanties !

Ce paysage agreste accueillait jadis un lac naturel de 50 ha entre ses flancs, avant que le barrage actuel, du Mont-Cenis, ne porte l'étendue de la retenue à 668 ha.

D'anciens chemins stratégiques permettent de goûter la beauté nordique de ces vastes espaces, balayés par les vents. Ils étaient jadis fréquentés par les sentinelles des Alpes, de part et d'autre de la frontière.

Depuis 1985, sept villages du district de haute Maurienne-Vanoise (Bramans, Sollières-Sardières, Termignon-la-Vanoise, Val-Cenis-Lanslebourg, Val-Cenis-Lanslevillard, Bessans et Bonneval-sur-Arc) organisent, en août, un festival d'astronomie réputé, dans le cadre duquel est remis le prix national du livre d'astronomie. Le festival est jumelé avec la Star Party de Saint-Barthélemy dans la Val d'Aoste. Le col du Mont-Cenis est le théâtre de soirées d'observation.

Les éléphants du général carthaginois sont-ils passés par là ?

Entre parois de gypses et forêts de résineux, les chemins du val d'Ambin mènent aux doux alpages du Petit-Mont-Cenis. Le vallon n'est jamais aussi chatoyant qu'à l'automne, lorsque les mélèzes abandonnent au sol leurs aiguilles dorées et que les premières neiges habillent les sommets du mont Froid, d'Étache ou de Belle-combe. Érigée en bordure de l'ancien chemin de Rome, l'émouvante église romane Saint-Pierre-d'Extravache semble défier la Dent-Parrachée qui compose la toile de fond.

Saint-Pierre-d'Extravache, plus vieille église de Maurienne, aurait été fondée par des disciples de saint Pierre. Cet édifice du XIe siècle a été en partie détruit par un incendie en 1803. La rigueur de son clocher, associé au demi-cercle parfait du chevet, compose un contraste saisissant avec les ruines de la nef. L'abside conserve les traces de fresques du début du XVIIe siècle.

Ces vallons paisibles sont désormais dévolus au ski de fond. Hervé Flandin, l'enfant du pays médaillé olympique à Lillehammer en 1994, a redonné de la vigueur à cette pratique hivernale et, dans la foulée, au développement du biathlon.

Vers 218 avant. J.-C, après un long détour, Hannibal franchit les Alpes, avec 37 éléphants, pour attaquer les Romains sur leur territoire. Si l'identification du col est encore incertaine, un consensus s'est dégagé en faveur du col du Clapier.

Saint-André n'en manque pas. Situé sur l'adret, en préambule au massif de la Vanoise, le village est composé d'une quinzaine de hameaux entre les torrents qui dévalent la montagne à la rencontre de l'Arc. Cette manne hydraulique a longtemps alimenté une dizaine de moulins à grains et à eau, bâtis en pierre sèche et couverts de lauze. Au hameau de Polset, la difficulté de se procurer de la chaux en haute montagne a poussé à construire l'habitat avec des murs en pierre sèche ; ils sont renforcés par des poutres de mélèzes entrecroisées aux angles et protégées des intempéries par une lauze.

Ce patrimoine meunier du hameau de Pralognan est restauré progressivement grâce à une association créée en 1992. Deux moulins sont actuellement visitable.

Après le hameau de Polset, la piste mène à la première porte du parc national de la Vanoise, le refuge de l'Orgère.

Dans la vallée du Glandon, Saint-Alban-des-Villards est restée à l'écart de la route principale, car, en 1874, la municipalité n'avait pas souhaité qu'elle traversât ses terres cultivables. La population a fondu comme neige au soleil, mais les hameaux ont été préservés, avec leurs "maisons blocs" et leurs greniers. L'été, les troupeaux d'ovins, élevés pour leur viande, emplissent les alpages de haute altitude.

Les épais murs de pierre des "maisons blocs" des Villards supportent une lourde charpente recouverte de tôle. Le volume bâti est occupé aux trois quarts par une grange immense, qui abrite la réserve de fourrage indispensable dans ce pays d'élevage aux longs hivers.

Une randonnée au col de la Croix (2 529 m) démarre du col du Glandon, permettant la découverte de ses chalets d'alpages. Les troupeaux, sur ce territoire, sont gardés par des chiens pastous à l'abondante fourrure blanche, qui ne rassemblent pas le troupeau mais le protègent contre les attaques d'animaux sauvages. Attention à bien garder ses distances car ils peuvent être agressifs !

Massif du Grand-Arc, chaîne de la Lauzière. C'est au coeur de ces paysages magnifiques qu'apparaît le village de Montsapey, suspendu sur l'adret à 1 050 m d'altitude. Ses hameaux accrochés à la pente, comme Tieulever ou le Villaret, ont conservé leur charme traditionnel. Pour mieux goûter à cet environnement agreste, un sentier balcon balisé relie les chalets d'alpages (Ruelles, Perrière, Vénitier, le Tour).

Un circuit thématique part du village pour proposer une évocation de la vie d'été à l'alpage jusqu'au milieu du 20e siècle.

Le circuit du lac Noir (2 010 m) démarre à Tieulever (1 280 m), hameau de Montsapey, et permet de découvrir tous les milieux naturels du massif du Grand-Arc : forêts, pâturages, crêtes, étangs et lacs.

Un festival de musique classique et baroque de renommée internationale, Les Arts jaillissants, se déroule chaque année en juillet dans l'église Saint-Barthélemy (1866). Celle-ci est réputée pour ses peintures murales et son majestueux retable baroque.

Tête de souris, oreilles de chat, les aiguilles d'Arves n'en font qu'à leur idée, suggérant de multiples images suivant les angles de prise de vue. Les villages de Saint-Sorlin et de Saint-Jean-d'Arves veillent dans l'ombre de ces stars. Leurs vastes alpages ont garanti, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, une économie agropastorale florissante. Ceux du col d'Ornon, près de Saint-Jean-d'Arves, de Longecombe ou de l'Ouillon, accessibles depuis le col de la Croix-de-Fer, vivent encore au rythme de l'estive.

À la mi-juin, partant du hameau des Chambons, les alpagistes perpétuent la tradition de l'emmontagnée où la montée des bêtes vers les alpages est précédée d'une bénédiction.

Ne ratez pas la traite en alpage à la fin de l'après-midi ! Du lait ainsi recueilli, la coopérative laitière des Arves fabrique un beaufort réputé.

L'église Saint-Saturnin de Saint-Sorlin-d'Arves tire son originalité des couronnes mortuaires, décorées de perles, que les paroissiens accrochaient aux murs plutôt que de les déposer sur les tombes, pour que la neige ne les détruisît pas.

Sous l'apparence nonchalante d'un gros village lové dans un méandre de l'Arc, entre champs de seigle, alpages et forêts, Termignon étend pourtant son territoire sur 180 km² : du revers du Mont-Cenis jusqu'au coeur du parc national de la Vanoise. Ses immenses alpages reçoivent nombre de troupeaux de moutons ou de bovins à l'estive, les alpages d'Entre-Deux-Eaux faisant plus particulièrement le bonheur des tarines.

La vache de race tarine se reconnaît à sa robe fauve froment, ainsi qu'aux auréoles brunes qu'elle a autour des yeux et sur les extrémités du corps.

Outre le beaufort (zone AOC), les coopératives tirent du lait des tarines d'Entre-Deux-Eaux, le bleu de Termignon, un fromage persillé rustique mais très recherché. Quelques alpagistes le produisent encore en toute petite quantité et gardent jalousement le secret de sa fabrication qui remonterait au XVIIIe siècle.

Plus qu'un musée, la maison de la Vanoise, à Termignon, est un centre d'initiation et de réflexion sur la montagne.

À l'entrée du pont sur le Doron, le monument aux morts de la Première Guerre mondiale a renoncé au thème du poilu "lancé à l'assaut de l'ennemi" pour celui, plus émouvant, d'une femme pleurant un fils ou un mari. "La pleureuse" est signée du sculpteur genevois Jaggi.

En amont de Termignon, une piste permet de rallier le refuge du Plan-du-Lac (2 364 m), l'une des cinq "portes" du parc national de la Vanoise, d'où l'on jouit d'un panorama exceptionnel. Une piste autrefois empruntée par les troupeaux transhumants, la "draille", passe au hameau de la Chavière.